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Alors que La Berlinale vient de décerner "L’Ours d’or" 2015 à Taxi de l’iranien Jafar Panahi en son absence, puisqu’il lui est interdit de réaliser des films dans son pays et de voyager à l’étranger, à Ouagadougou, le Fespaco, l’un des plus important festival du film africain, a failli déprogrammer Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako, cinéaste de Mauritanie où un homme a été condamné à mort, le 25 décembre 2014, pour apostasie. Dans le même temps, Le Mémorial de Caen tire un trait, pour l’instant, sur ses Rencontres du dessin de presse : "trop dangereuses dans le contexte actuel".

Et si le blasphème ne figure plus dans le droit français depuis 1881, il reste un délit dans huit pays de l’Union européenne. Son interdiction et sa censure ont été renforcées en Irlande depuis 2010. La censure, encore ! Comme récemment au théâtre avec Golgota Picnic. Et ses ciseaux qui s’activent dans nos têtes, où l’autocensure gagne du terrain !

Le cinéma, dans des oeuvres majeures, lors d’affaires retentissantes, a dû faire face à la censure (Salò ou les 120 journées de Sodome de Pier Paulo Pasolini), aux interdits (Orange mécanique de Stanley Kubrick), aux pressions (L’Empire des sens de Nagisa Oshima), aux anathèmes (Et Dieu créa la femme de Roger Vadim) et a dû répondre d’accusations de sacrilège et de blasphème (Viridiana de Luis Buñuel).

C’est la raison de cette programmation : donner à voir ces films, à la facture avérée, qui ont fait scandale, à la distribution entravée, au point d’en oublier plusieurs. La bien-pensance religieuse, les replis idéologiques, la complaisance politique, pour travestir leur trahison de la liberté d’expression, ont argué d’offenses à la morale (La Religieuse de Jacques Rivette), aux bonnes moeurs (Le Dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci), d’outrages à la famille (Théorème de Pier Paulo Pasolini), au mariage (La Grande bouffe de Marco Ferreri), à la religion (La Vie de Brian de Terry Jones), à l’armée (La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo), pour faire pression sur la société civile par l’intermédiaire de groupes de pression liberticides. À Nantes, les projections de Je vous salue Marie (1985) de Jean-Luc Godard furent violemment perturbées par des catholiques traditionalistes. L’Alliance Générale pour le respect de l’Identité Française et Chrétienne fit interdire le film à Versailles, mais vit sa demande de censure déboutée.

Ces atteintes à la liberté de création, à l’impertinence de l’art et de la satire, à l’humour salutaire, montrent leurs similarités. Elles cherchent à confondre la pensée critique avec la stigmatisation des personnes, la fermeté du droit avec l’arbitraire et le sectarisme, le dogme et le culte avec la culture. Les audaces du cinéma attestent du contraire - comme Le Chevalier de La Barre qui répondait à ses bourreaux qu’il n’y a de blasphème que pour celui qui croit à la chose blasphémée.

Un regret : La Dernière Tentation du Christ de Martin Scorsese n’est plus disponible pour la projection en salle. Le film provoqua, à sa sortie en 1988, une véritable guérilla des fondamentalistes catholiques et l’archevêque de Paris obtint que l’aide financière de la France à sa production lui fût retirée. Le 28 septembre, un commando incendia, à Paris, le cinéma Saint-Michel qui le projetait, faisant 14 blessés graves.

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